Si le vendeur ou l'acheteur d'un immeuble tarde à passer l'acte authentique de vente, que peut faire l'autre partie ?
Rappelons tout d'abord que le compromis de vente vaut vente, la formalité de la passation d'un acte authentique étant uniquement destinée à rendre cette vente opposable aux tiers via la transcription de l'acte notarié dans les registres du Bureau de la Conservation des hypothèques dont relève l'immeuble.
Ce point acquis, en vertu de l'article 1184, alinéa 2, du Code civil, le vendeur ou l'acheteur peut :
- soit agir en passation forcée de l'acte authentique de vente ou, au contraire,
- demander la résolution de la vente avec dommages-intérêts.
Si le vendeur ou l'acheteur choisit la première option, il convient de souligner qu'il doit démontrer au juge qu'il est lui-même en mesure d'exécuter sa propre obligation, à savoir payer le prix du bien. En effet, dans un arrêt du 25 juin 2004, la Cour de cassation a rappelé ce qui suit :
« Attendu qu’aux termes de l’article 1315, alinéa 1er, du Code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ;
Attendu qu’en raison de l’interdépendance des obligations réciproques des parties dans un contrat synallagmatique, la partie à un tel contrat qui demande l’exécution des obligations incombant à l’autre partie à la suite de l’exécution de ses propres obligations, doit établir qu’elle a rempli, ou offert de remplir, celles-ci ».
Dans l'hypothèse où c'est le vendeur qui agit en justice en passation forcée de l'acte authentique, il devra prouver qu'il est toujours en mesure de vendre le bien à l'acheteur retardataire. Ainsi, s'il décide de remettre l'immeuble sur le marché dans l'attente de la décision judiciaire, il évitera d'accepter sans restriction une nouvelle offre ; il assortira celle-ci de la condition suspensive du prononcé du jugement.
Notons toutefois que si le vendeur s'aperçoit que l'acheteur ne dispose manifestement pas des fonds nécessaires pour l'acquisition du bien - ce qui explique son retard -, il pourra modifier sa demande en justice (sur pied de l'article 807 du Code judiciaire) et solliciter désormais la résolution pure et simple de la vente avec octroi de dommages et intérêts.
Dans l'hypothèse où c'est l'acheteur qui agit en justice en passation forcée de l'acte authentique de vente, il devra prouver :
- qu'il a consigné le prix de vente du bien ou
- que l'offre de crédit de sa banque a été maintenue et prolongée dans le temps ou encore
- que sa capacité de financement est restée identique.
Par ailleurs, aux termes de l'article 1647 du Code civil, le débiteur d'une obligation est condamné au paiement de dommages et intérêts s'il n'exécute pas celle-ci ou s'il exécute celle-ci avec retard, sauf s'il peut prouver que cette inexécution ou ce retard résultent d'une cause étrangère qui ne lui est pas imputable.
En matière de vente immobilière, l'article 1611 du Code civil dispose que le vendeur doit être condamné aux dommages-intérêts s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur suite au défaut de délivrance de l'immeuble au terme convenu.
Il suit de ces dispositions que le vendeur est tenu des dommages et intérêts à raison de l'exécution tardive de son obligation de passer l'acte authentique de vente, dans tous les cas où il n'est pas établi que le retard provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée (exemple : l'immeuble a été entièrement détruit par la foudre ou des inondations).
Le régime est plus souple pour l'acheteur qui a tardé à passer l'acte authentique de vente car il pourra justifier que ce retard lui est certes imputable (donc pas nécessaire de prouver une cause étrangère libératoire comme le vendeur) mais qu'il n'a pas commis de faute pour autant (exemple : il a agi en justice pour annuler le compromis de vente pour vice du consentement mais il a perdu son procès).
Ph. Jehasse - JURIS CONSILIUM