Article 24

La cession d'une entreprise : la confidentialité des informations est primordiale.

Publié le 28 mars 2017

Dans nos deux dernières contributions consacrées à la cession d'une entreprise, nous avons traité du mémorandum (ou dossier de présentation de l'entreprise) et de la lettre d'intention.

 

Pour chacun de ces documents, nous avions mis en avant la difficulté de communiquer un certain nombre d'éléments techniques, commerciaux et financiers aux candidats acquéreurs sans pour autant livrer en pâture les informations cruciales pour la pérennité de l'entreprise.

 

A cet égard, nous avions souligné l'importance de rédiger une convention de confidentialité la plus complète et la plus rigoureuse possible afin d'éviter une grave déconvenue.

 

La présente contribution sera consacrée à cette matière et ici aussi, nous allons voir que tout est une question de dosage.

 

En effet, qu'est-ce qu'une information confidentielle ?

 

Pour l'heure, dans le domaine qui nous occupe, le droit belge ne contient pas de définition de ce qu'il faut entendre par "information confidentielle" et nous devons nous référer à l'article 2 de la Directive du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites qui définit le "secret d'affaires" comme "des informations qui répondent à toutes les conditions suivantes :

 

a) elles sont secrètes en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de leurs éléments, elles ne sont pas généralement connues des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'informations en question, ou ne leur sont pas aisément accessibles ;

 

b) elles ont une valeur commerciale parce qu'elles sont secrètes ;

 

c) elles ont fait l'objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrètes".

 

Ne nous voilà guère plus avancés... et en pratique, ce seront donc les parties qui décideront de ce qui relèvera de la confidentialité ou non.

 

A ce stade, il nous paraît que deux écueils doivent être soigneusement évités :

 

  • que toute information (ou presque) obtenue de l'entreprise cible soit considérée comme confidentielle, auquel cas le candidat acheteur s'expose à de sérieux risques (cf. infra) ;
  • qu'aucune information (ou presque) communiquée par l'entreprise cible ne soit considérée comme confidentielle, auquel cas c'est le vendeur qui s'expose à de sérieux risques.

 

Il est donc essentiel de déterminer précisément le périmètre des informations confidentielles auxquelles la convention va s’appliquer et ce périmètre peut être plus ou moins large. Deux grandes méthodes sont souvent utilisées en pratique :

 

  • soit les informations confidentielles sont uniquement celles qui ont été explicitement identifiées comme telles (par exemple, par un cachet ou une mention spécifique). Cette méthode a l’avantage de la sécurité car le statut de chaque information est indiscutable. Elle entraîne par contre des efforts administratifs et organisationnels plus importants pour s’assurer que chaque document est correctement classifié ;
  • soit les informations confidentielles sont définies de manière générique, eu égard à leur contenu (informations financières, listes de clients, etc.), à leur protection juridique (informations couvertes par le droit d’auteur, un brevet, etc.) ou encore à la manière dont elles sont transmises (data room).

 

Pour sa part, le candidat acheteur sera bien inspiré de préciser dans la convention les informations qui ne sont pas ou plus confidentielles comme par exemple celles tombées dans le domaine public ou qui ont déjà été portées à sa connaissance par d'autres moyens licites.

 

Restreindre l'accès aux informations confidentielles.

 

Après avoir soigneusement distingué les informations confidentielles de celles qui ne le sont pas, les parties doivent préciser qui aura accès à ces données.

 

En effet, la meilleure protection contre une divulgation illicite des données stratégiques d'une entreprise consiste à en limiter l'accès à quelques personnes : deux personnes maximum pour le candidat acheteur et ce seront ces personnes qui signeront la convention de confidentialité.

 

S'il n'est pas possible de limiter ainsi l'accès aux informations confidentielles et que celles-ci doivent être communiquées à des tiers (partenaires impliqués dans le projet, consultants indépendants, sociétés du même groupe, etc.), il convient alors d’établir une « chaîne de confidentialité », c'est-à-dire que la convention doit préciser :

 

  • à quelles personnes les informations confidentielles peuvent être communiquées et sous quelles conditions ;
  • l’obligation pour le candidat acquéreur d’obtenir un engagement formel de confidentialité de la part des tiers avant toute communication d’information ;
  • le candidat acquéreur sera tenu responsable de toute divulgation d’informations confidentielle faite par les tiers auxquels il les a transmises.

 

Quelle durée pour cette convention ?

 

Tout comme pour la définition des informations devant être considérées comme confidentielles, les parties sont libres de fixer la durée de leur convention de confidentialité.

 

De ce point de vue, il convient tout à la fois d'éviter de conclure une convention qui prendrait fin dès le moment où le candidat acquéreur se retirerait de l'opération et une convention dont la durée excéderait par trop le temps des négociations entre parties.

 

En pratique, nous recommandons de fixer la durée de la convention de confidentialité sur celle des négociations et si celles-ci échouent, de prévoir la survivance de l'obligation de confidentialité pendant une certaine période encore qui sera fixée par les parties.

 

La confidentialité des informations transmises : un voeu pieux ?

 

Après avoir abordé la définition des informations confidentielles, leur accès et la durée de la convention de confidentialité, reste à envisager l'épineuse question de l'efficacité pratique de pareille convention.

 

Rappelons en effet que dans le domaine qui nous occupe, lorsqu’une information confidentielle a été divulguée, la loi ne permet pas, en principe, d’interdire à quiconque de s’en servir et le candidat vendeur aura bien souvent pour seul recours d'introduire une action en justice afin de demander des dommages et intérêts à son partenaire indélicat afin de compenser le préjudice qu'il aura subi.

 

L'exercice sera à tous les coups périlleux, non seulement lorsqu'il s'agira de démontrer positivement les agissements culpeux du candidat acquéreur, mais encore quand le candidat vendeur devra établir le préjudice qu'il a réellement et effectivement subi : comment en effet quantifier avec certitude la perte d’un avantage concurrentiel ou de parts de marchés potentielles, ou encore l’atteinte à l’image ou à la réputation ?

 

Afin de pallier cette situation, le candidat vendeur insérera une clause pénale dans l'accord de confidentialité tout en veillant à ne pas prévoir un montant excessif, auquel cas il s'exposerait au pouvoir de réduction du juge.

 

Nous sommes ainsi arrivés au terme de ce bref survol de la convention de confidentialité. Comme pour la rédaction du mémorandum et de la lettre d'intention, la rigueur, la précision et le sur-mesure sont de mises, qualités qui ne sont assurément pas celles des documents prêts à l'emploi que nous trouvons sur le Net...

 

A bon lecteur, salut !

 

 

 

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