Article 18

Ce qu'il faut savoir sur la protection juridique des bases de données

Publié le 15 février 2017

Le survol des séances de cinéma sur un site Internet, la consultation des horaires de bus ou de trains, la recherche d'un numéro de téléphone dans un annuaire, etc. sont des utilisations de bases de données que nous effectuons quotidiennement.

 

Les bases de données sont des outils indispensables dans une société de l’information, particulièrement sur Internet qui en fournit de nombreux exemples, notamment à travers des sites d'offres d'emploi, d'annonces immobilières, d'informations financières, etc.

 

Le rassemblement de ces données et leur organisation en un ensemble cohérent et susceptible d’une recherche d’informations précises, sont le fruit d'investissements considérables de la part des producteurs des bases données. Ces bases de données ont également, dans de nombreux cas, une valeur économique très importante. Ce sont les raisons qui justifient que les bases de données soient protégées par la loi.

 

Le droit belge accorde deux types de protection aux bases de données.

 

Afin d'empêcher les concurrents de s'approprier les bases de données (en tout ou en partie), le législateur a tout d'abord prévu un droit sui generis au bénéfice des producteurs de bases de données.

 

En outre, si la structure de la base de données est originale, elle pourra également être protégée par le droit d'auteur.

 

Avant d'aborder véritablement la question de la protection juridique des bases de données, il convient tout d'abord de préciser ce qu'est une base de données.

 

Qu'est-ce qu'une base de données ?

 

La base de données est une collection, un recueil d’éléments, sur support papier (dictionnaires, annuaires, collection de fiches, ...) ou électronique (site Internet d’annonces immobilières, d’annonces d’emploi, d’annonces relatives à des locations de maisons de vacances, d’informations financières, ou encore un site présentant les horaires des séances de cinéma, les horaires des trains, ...).

 

Pour constituer une base de données, les éléments qui composent cette collection doivent tout d'abord être indépendants, c'est-à-dire séparables les uns des autres sans que cela réduise en rien la valeur informative de chaque élément.

 

Ainsi, un roman, n’est pas une base de données, car malgré qu’il se compose de multiples chapitres, sa lecture doit se faire dans un certain ordre. Les chapitres ne sont pas des données indépendantes. Par contre, une encyclopédie qui comprend des milliers de données indépendantes les unes des autres, représente une base de données.

 

Ensuite, ces éléments doivent être disposées de manière systématique ou méthodique - ce qui exclut les ensembles de données non organisées - et être accessibles individuellement. Il faut donc qu’un moyen (tel un index, un plan de classement, un outil électronique de recherche ou tout autre moyen) permette de rechercher un élément en particulier.

 

Ainsi, un annuaire téléphonique est une base de données, car nous pouvons accéder à chaque numéro par la disposition alphabétique des données.

 

La protection par le droit sui generis des bases de données.

 

Le droit sui generis de protection va s'appliquer à l'ensemble des données regroupées dans le base de données.

 

Qui est titulaire de ce droit de protection sui generis ?

 

C’est le producteur de la base de données qui est le titulaire du droit de protection sui generis, c'est-à-dire la personne physique ou morale qui a pris l'initiative et le risque des investissements qui sont à l’origine de la base de données.

 

Si une base de données est élaborée dans le cadre d’un contrat de travail, le titulaire du droit sui generis est en principe l’employeur puisque c'est lui qui réalise l’investissement financier nécessaire à la protection de la base de données (par le paiement du salaire et des outils mis à la disposition du travailleur).

 

Si la base de données est constituée pour le compte d'un client, le client sera le producteur de la base de données car c'est lui qui a pris l’initiative de sa création et en a payé le prix.

 

Quelles sont les conditions d'application de ce droit de protection sui generis ?

 

Le droit sui generis s’applique aux bases de données qui sont le résultat d’un investissement qualitativement ou quantitativement substantiel.

 

Cet investissement consiste en la mise en œuvre de moyens financiers, techniques ou humains importants (tel que l'engagement de personnel qualifié ou l’acquisition de matériel technique particulier), pour réaliser la base de données.

 

Par exemple, la constitution d’une base de données consistant en un site web reprenant les horaires des salles de cinéma de l’ensemble du territoire belge démontre un investissement substantiel dans la mesure où une procédure hebdomadaire de collecte des données doit être réalisée, un logiciel particulier a dû être acquis et une gestion proactive du site est nécessaire.

 

Un autre exemple, les horaires d'un service public de transport ne pourront être protégés par le droit sui generis car ces horaires résultent de l’organisation des transports publics. Aucun investissement spécifique n'est consacré à la réalisation de la base de données qui reprend les horaires. Par contre, si ces données sont organisées dans une base de données sur Internet, dotée d’un outil de recherche et d’un calcul d’itinéraire, un investissement peut être trouvé dans la présentation des horaires sur ce site internet, investissement qui satisfait au critère de protection par le droit sui generis.

 

Quelle est l'étendue de cette protection ?

 

Le producteur de la base de données a le droit d’interdire que l’on utilise ou que l’on copie le contenu de sa base de données.

 

Il est donc interdit d’extraire une partie importante de l’ensemble des informations d’un site Internet pour les mettre sur le sien sans l’accord du producteur de la base de données.

 

Sans cet accord du producteur de la base de données, il est aussi interdit de distribuer des copies d'une base de données, en la louant ou en diffusant des données par Internet.

 

L’extraction ou la réutilisation de parties non substantielles (c'est-à-dire une fraction négligeable et qui n'a pas nécessité un investissement important du producteur de la base de données) n’est en principe pas une atteinte au droit sui generis.

 

Toutefois, l'extraction ou la réutilisation de parties non substantielles est une atteinte au droit sui generis lorsque cette extraction ou réutilisation est répétée et systématique et lorsqu’elle porte atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ou aux intérêts légitimes du producteur de la base de données. Tel sera le cas si les extractions permettent de reconstituer une base de données similaire.

 

Le droit sui generis est cessible et transmissible et peut donc être cédé à un tiers ou donné en licence. Contrairement à ce qui est prévu par le droit d'auteur, la loi ne prévoit pas de formalités particulières pour ces contrats de cession ou de licence du droit sui generis.

 

Quelles sont les exceptions au droit exclusif du producteur de la base de données ?

 

Certaines utilisations particulières sont autorisées aux utilisateurs de la base de données, sans qu’il ne faille recueillir l’accord préalable du producteur de la base de données.

 

Les actes qui peuvent être effectués sans le consentement du producteur de la base de données sont :

 

  • l’extraction et la réutilisation de parties non substantielles (mais les extractions ou les réutilisations répétées et systématiques ne sont pas autorisées si elles permettent la reconstitution de la base de données) ;
  • l’extraction dans un but privé (qui ne vaut que pour les bases de données non-électroniques, par exemple, un ensemble de fiches papiers) ;
  • l’extraction à des fins d’illustration de l’enseignement ou de recherche scientifique, dans un but non lucratif ;
  • l’utilisation à des fins de sécurité publique, de procédure administrative ou juridictionnelle ;
  • la revente d'une copie de la base de données lorsqu'elle a déjà été commercialisée par, ou avec l’accord du producteur dans le territoire de l’Union européenne (cette exception ne vaut pas pour les transmissions en ligne).

 

Combien de temps dure cette protection ?

 

Le droit sui generis de protection des bases de données dure 15 ans, à partir du moment où la base de données est achevée.

 

Si la base de données est utilisée en interne uniquement, le délai court à partir de la mise à disposition du public, par exemple de la commercialisation de la base de données.

 

Cette durée peut être renouvelée à chaque nouvel investissement substantiel effectué dans le cadre de la modification de la base de données (par exemple un financement important investi dans la mise à jour de la base de données).

 

La protection par le droit d'auteur.

 

Le droit d’auteur s'applique au contenant (et non au contenu) de la base de données, c'est-à-dire à sa structure, à la manière dont les données sont disposées et classées.

 

Le droit d'auteur protègera la base de données à condition qu’elle soit originale, c’est-à-dire que, par le choix ou la disposition des matières, elle constitue une création intellectuelle propre à son auteur.

 

Le travail et les investissements consacrés à la sélection ne suffisent donc pas à prouver l'originalité de la base de données.

 

Il faut que le choix des critères de classement des données en un ensemble organisé ne soit pas dicté par des contraintes techniques ou logiques, mais que l'auteur fasse preuve d'une liberté de création dans le choix de cette organisation et soit original.

 

Par exemple, un annuaire téléphonique classique n'est pas une base de données originale, car il n'existe qu'une manière de classer les adresses et les téléphones de personnes: l'ordre alphabétique. Mais un annuaire ou un site Internet peut être original s’il classe les coordonnées des personnes selon une structure originale, notamment en fonction de critères particuliers (annuaire professionnel classant les personnes selon leur spécialité, leur adresse, etc.).

 

Le droit d’auteur peut aussi s'appliquer au contenu (les éléments) de la base de données, si les éléments sont originaux. Par exemple, si la base de données est un inventaire de dessins, ceux-ci peuvent être protégées par le droit d'auteur, s'ils sont originaux. Ce droit appartient à l'auteur des œuvres et l'auteur de la base de données devra donc s’assurer de l'autorisation préalable de l'auteur ou de ses ayants-droits.

 

Qui est titulaire du droit d'auteur sur la base de données ?

 

Le titulaire du droit d'auteur sur la base de données est la personne physique qui a créé la base de données.

 

Toutefois, par dérogation avec le droit d'auteur classique, les droits patrimoniaux sur la base de données créée dans le cadre d’un contrat de travail (ou d'un statut, pour les fonctionnaires) sont présumés, sauf stipulation contraire, cédés à l’employeur. Il faut cependant que la base de données ait été créée dans l'industrie non culturelle et dans l’exercice des fonctions des employés (ou fonctionnaires) ou d’après les instructions de l’employeur.

 

En cas de base de données créée dans le cadre d’un contrat de commande d'un client, les règles générales s’appliquent : le créateur reste titulaire du droit sur la base de données, à moins qu’une cession expresse cède le droit d’auteur sur la base de données au commanditaire de celle-ci.

 

Quelle est l'étendue de la protection du droit d'auteur sur la base de données ?

 

Sauf exceptions, les principes du droit d'auteur s'appliquent à la base de données.

 

L’auteur de la base de données a le droit d’en interdire la reproduction (par exemple, si quelqu’un développe une base de données concurrente sur le même squelette), la communication au public, la distribution, le prêt et la location.

 

Il dispose également d'un droit moral sur la base de données.

 

Quelle est la durée de la protection du droit d'auteur ?

 

La protection dure 70 ans à partir du décès de l'auteur de la base de données.

 

Quelles sont les exceptions au droit de l'auteur sur la base de données ?

 

Le législateur a prévu des exceptions au droit exclusif de l'auteur d'une base de données. Dans ces cas, l'utilisateur ne devra pas obtenir le consentement préalable de l'auteur pour pouvoir utiliser sa base de données.

 

Les principales exceptions sont les suivantes :

 

tout acte nécessaire à l’utilisation de la base de données ou à l’accès au contenu de celle-ci ;

la copie d’une base de données à des fins privées, uniquement si la base de données n’est pas électronique (un ensemble de fiches papier par exemple) ;

l’utilisation de la base de données à des fins d’illustration de l’enseignement et de la recherche scientifique ;

la reproduction de courts fragments d’une base de données à des fins d’information à l’occasion de comptes rendus d’actualité ;

la reproduction accessoire d’une base de données exposée dans un lieu public ;

la communication privée et gratuite d’une base de données effectuée dans le cercle de famille ou dans le cadre d’activités scolaires.

Le titulaire du droit d'auteur sur la base de données est la personne physique qui a créé la base de données, comme en droit d’auteur classique.

 

Par dérogation avec le droit d'auteur, les droits patrimoniaux sur la base de données créée dans le cadre d’un contrat de travail (ou d'un statut, pour les fonctionnaires) sont présumés cédés à l’employeur, sauf stipulation contraire. Il faut cependant que la base de données ait été créée dans l'industrie non culturelle et dans l’exercice des fonctions des employés (ou fonctionnaires) ou d’après les instructions de l’employeur.

 

En cas de base de données créée dans le cadre d’un contrat de commande, les règles générales s’appliquent : le créateur reste titulaire du droit sur la base de données, à moins qu’une cession expresse cède le droit d’auteur sur la base de données au commanditaire.

 

Juris Consilium - www.jurisconsilium.be

Juris Consilium

0493/19.54.19

jean@jurisconsilium.be

Copyright © Juris Consilium 2017 by